Tribune

La vieille économie

Le CAC 40 atteint un sommet historique. Les entreprises qui composent l’indice parisien génèrent un résultat cumulé de plusieurs centaines de milliards d’euros par an. Certains s’en offusquent, tandis que d’autres, comme moi, préfèrent se réjouir de cette dynamique, de cette énergie vitale qui irrigue tout notre écosystème économique, créant des emplois, alimentant le progrès. Cependant, une ombre plane sur ce tableau lumineux : derrière ces chiffres impressionnants, se cache une économie bien plus ancrée dans son héritage passé que projetée vers des horizons futurs.

Sur les quinze dernières années, la part des entreprises françaises dans les dépenses privées de R&D technologiques mondiales est passée de 6% à 2%. De plus, aucune entreprise française ne figure dans le top 50 des plus grosses valorisations technologiques. Ces chiffres devraient nous alarmer.

D’ailleurs, il est frappant de constater que les entreprises du CAC 40 ont en moyenne 105 ans d’existence. Un siècle ! Certes, cela témoigne de la solidité et de la résilience de notre économie, mais cela révèle aussi notre incapacité à faire émerger des champions qui tireront l’économie française de demain. En comparaison, les entreprises du Nasdaq, souvent représentatives de l’ère numérique moderne, n’ont en moyenne que 20 ans. Cette différence met en évidence un décalage majeur. Il ressemble à une confrontation entre la sagesse de l’âge et l’impétuosité de la jeunesse, et souligne la nécessité pour nos entreprises d’accélérer leur transformation numérique pour rester compétitives à l’échelle mondiale.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que la valorisation de l’indice est soutenue à 35% par quatre entreprises du luxe, les KHOL (LVMH, L’Oréal, Hermès, Kering). Des entreprises magnifiques, qui perpétuent des savoir-faire artisanaux et contribuent au rayonnement de la France, certes, mais qui ne suffisent pas à faire de la France un leader technologique mondial.

Il est donc impératif de se poser cette question : comment pouvons-nous tirer parti de cette dynamique positive pour investir plus massivement dans l’innovation technologique, afin de construire un futur dans lequel la France aura un rôle déterminant ? Comment éviter de nous reposer sur nos acquis et faire preuve de cette audace qui nous caractérise si bien, pour relever le défi de l’innovation et du progrès ?

Je rappelle à cet égard que la France a une riche histoire d’innovation et de découvertes scientifiques et techniques. De l’automobile à la photographie, du cinéma à la bicyclette, de la machine à calculer au vaccin, jusqu’à la médecine nucléaire, ces avancées majeures sont autant de témoignages du savoir-faire français. C’est cet héritage d’innovation que nous devons perpétuer en nous inscrivant résolument dans la révolution technologique actuelle. Il est donc crucial, par fidélité à notre histoire d’innovateurs, que nous investissions pleinement dans cette dynamique d’évolution et de progrès. Le plan « France 2030 », qui finance les projets d’avenir à hauteur de 54 milliards d’Euros, ainsi que l’émergence récente de pépites telles que Mistral AI démontrent que nous en prenons le chemin. Mais sera-t-on au rendez-vous de l’histoire ?

Cela nous mène à un constat imparable : nous ne pouvons plus simplement observer le tableau sépia du passé. Il est temps d’en créer un nouveau, vibrant et coloré, qui illustrera notre volonté d’embrasser le futur avec détermination et confiance. Un futur où notre économie ne se contente pas de refléter notre riche histoire, mais préfigure aussi l’avenir que nous sommes en train de construire.

Rafik Smati
Entrepreneur du numérique
Auteur « Le Nouveau Temps : comment reprendre le contrôle à l’ère de l’IA » (Eyrolles, novembre 2023)

3 commentaires :

  1. Sophie Dumont dit :

    En tant qu’étudiante en chimie, je suis souvent préoccupée par le manque de dynamisme de la France dans le secteur des nouvelles technologies. Votre analyse de la situation actuelle du CAC 40, comparée aux entreprises du Nasdaq, est particulièrement frappante. Le côté positif, c’est que cela montre qu’il y a un énorme potentiel inexploité dans notre pays !

  2. Didouche dit :

    Merci pour cet article très éclairant! Vous avez parfaitement mis en lumière cette contradiction entre les performances actuelles des grandes entreprises françaises et notre retard dans l’innovation technologique. Moralité : ne jamais se reposer sur ses lauriers et ne jamais abandonner l’avenir!!

  3. Orlando dit :

    Je crois tout de même que nous avons un problème d’inégalités, et le fait que la bourse cartonne quand des gens sombrent en précarité me laisse songeur. Toutefois, je dois reconnaître que vos arguments sur l’importance de l’innovation et la technologie sont pertinents. Votre plaidoyer pour une économie plus orientée vers l’avenir me semble être une étape nécessaire pour le progrès de tous…

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